Ironman de Nice le 22 Juin 2008 par David Tencé

Bonjour à tous,

La langue française est remplie de petites citations.
Ces petites phrases sont présentes quotidiennement dans nos conversations sans que l'on ne mesure réellement leurs portées.
L'une d'elles me hante particulièrement l'esprit depuis dimanche soir:
Il s'agit d'une citation prononcée par le grand prophète de St Senier, le daïla BASSANOVICH.
Un soir autour d'une bonne bière, ce grand sage à dit: "Qui part comme un lion fini comme un con"
Chaque triathlète qui prend le départ d'une épreuve et plus particulièrement d'un Ironman, devrait avoir cette citation en tête.
Le ton de ces premières lignes vous ferons comprendre qu'en ce qui me concerne, le 22 juin 2008 ne restera pas une date à marquer d'une pierre blanche.
Je vais cependant m'allonger sur le divan et vous raconter ma journée, ce sera ma meilleure thérapie.
Acte 1: NATATION - Le départ est prévu à 6h30, nous arrivons donc vers 5h00 dans le parc à vélo. La température extérieure est déjà élevée puisque le thermomètre affiche 21°. L'eau est super bonne et très claire ce qui nous permet de voir que la baie est remplie de méduses.
A 10 mn du départ, nous nous dirigeons vers la plage où nous sommes stockés dans des boxes de niveau.
A 6h30 précise, les 2700 athlètes sont lâchés. Comme d'habitude, nous nageons les 700-800 premiers mètres dans la machine à laver avec distribution de taquets pour marquer son territoire. La dernière ligne droite avant de revenir sur la plage est assez difficile car les courants sont contraires et freinent notre progression. Malgré cela je reste dans un groupe assez important et ça "fart" plutôt bien, je glisse presque comme Brice allonger sur sa planche à la recherche de la bonne vague (normal je suis à Nice).
A la sortie, mon chrono m'indique 1h04 (env 500e) et c'est peut-être à ce moment que ma course bascule car à la vue de ce chrono ma prudence habituelle s'estompe.
Acte 2: VELO - Habituellement, lorsque j'arrive dans le parc, mon vélo se sent un peu seul. Mais dimanche, il y avait plein de vélos et inconsciemment, je me suis dis: "La, ya un truc à faire". Je suis donc parti sur une allure élevée et j'ai commencé à remonter de nombreux groupes.
Au 25e km, j'ai ressenti un gros courant d'air dans un faux plat montant. Il s'agissait de la comète "JAJA" qui était sortit de l'eau 2 mn après moi et qui entamait sa remontée.
Lorsque la route s'est vraiment élevée j'ai été pris d'un coup de moins bien, comme si quelques choses freinaient ma progression. J'ai vérifié que mes freins n'étaient pas serrés ou que mes pneus n'étaient pas dégonflés. Mais non, côté matériel, tout était normal et comme il n'y avait aucun autre concurrent accroché à mon maillot, j'ai pris conscience que c'était mes jambes qui me lâchaient.
Pour récupérer, je profitais pleinement de chaque descente, mais comme après chaque descente il y avait une autre montée, l'histoire devenait compliquée. J'étais bel et bien en travers, j'avais les cuisses grosses comme la tête et je ventilais comme un bouledogue un jour de canicule.
Heureusement la fin du parcours est assez descendante et les 20 derniers kms sont plats (mais avec vent de face). J'ai donc retrouvé la raison et je me suis dis "prend ton temps et récupère avant le marathon". Et là, je me fais doubler par des paquets de triathlètes en pelotons qui se croyaient à la sortie cyclo du dimanche matin, pas un seul arbitre pour mettre fin à cette mascarade.
J'étais dégouté mais comme je ne voulais pas drafter (je suis un vrai Ironman ou pas?), j'ai essayé de m'accrocher tout restant à distance règlementaire.
Ces 20 derniers kilos ont donc été vite avalés (par mon vélo mais pas par moi).
Malgré tout, les 5 derniers kilos me permettent de croiser les triathlètes qui sont déjà sur le marathon et je me rends compte à ce moment que mon classement est plutôt correct. Mon moral revient!
A l'arrivée je déchausse en laissant mes chaussures sur les pédales. Au début, tout allait bien puisque l'organisation avait prévue des moquettes sur le sol. Mais après, plus de moquette et le goudron en fusion qui colle et me brûle les pieds.

Acte 3: CAP - Sur la "Prom" comme disent les niçois, il fait une chaleur terrible et l'ombre est inexistante.
Après la machine à laver en natation, je reste dans l'électroménager puisque maintenant je cours dans un four à chaleur tournante avec le thermostat à 220°.
Dans ces conditions, courir 42,195 km en aller et retour sur une ligne droite de 5,3 km ce n'est que du bonheur surtout avec un estomac qui s'est transformé en noix de coco.
Les 5,3 premiers kilos sont courus à 13 km/h (vitesse correct pour un coureur normal mais trop vite pour moi).
Ensuite ma vitesse baisse, 10 km/h puis 9 km/h au 16e. Je sens que je ne vais pas bien j'ai très mal au ventre et commence à avoir des vertiges.
Les boissons des ravitos sont chaudes et les bananes sont cuites, je ne peux plus rien avaler sans vomir.
Vers le 20e kilo (après 8h30 d'efforts) mes étourdissements deviennent très importants et avec le peu de lucidité qu'il me reste, je pose les mains au sol pour ne pas chuter lourdement. Cette fois ci, c'est le four et la machine à laver en même temps.
Une gentille jeune fille me propose de m'aider à me relever mais je ne peux plus bouger.
Les secouristes de la croix rouge arrivent au bout de quelques minutes et me prennent en charge. J'ai le souvenir de tous ces yeux au dessus de moi qui me regardent. Ils me posent des questions et moi j'entends juste "whaou whu whi" enfin quelque chose comme ça.
Je suis amené dans un poste médical où je retrouve des gars dans le même état que moi.
Le médecin présent contrôle ma tension à 8,5 et me dis "je vous mets hors course". Je suis allongé sur un lit de camp et un espèce de cocktail à base de douleur, de déception, de fatigue et de stress me fait pleurer comme un gamin.
Après 1 heure de repos je demande si je peux repartir, mais le médecin refuse en disant "Cette course, c'est de la connerie, je ne comprends pas que l'on puisse autoriser de telles organisations, c'est inhumain" (il faut dire que les macabées arrivent par dizaine et que les pauvres secouristes ne savent plus ou donner de la tête).
Comme cette fichue tension ne voulait pas remonter, le médecin m'a fait partir en ambulance vers le poste de secours principal où je suis resté en observation pendant encore 1 heure avant de pouvoir regagner le parc à vélo sur mes 2 jambes.
Bref, cette fois-ci, je ne reviens pas avec le t-shirt de finisher. Je suis très déçu, j'ai un peu le moral dans les chaussettes mais je tiens debout et je me dis que ça ira mieux demain.
Je pense quand même avoir une petite circonstance atténuante: Sur mes 2 autres Ironman, Caroline et les enfants étaient présents à mes côtés, Briac se faisait un plaisir de passer la ligne d'arrivée avec moi et cela constituait pour moi une source de motivation et de courage supplémentaire. Cette fois-ci j'étais seul.
Je tiens à vous remercier d'avoir pris de mes nouvelles.
Et enfin, désolé de vous avoir fait perdre 5 mn pour lire ce récit.

A+
David Tencé